La volatilité des prix contraint à revoir le pilotage de l'exploitation. Le producteur doit structurer sa réaction et anticiper les évolutions des charges pour gérer au mieux les mouvements d'une trésorerie mise à mal par la crise.
E n période difficile, chacun a intérêt à connaître son coût de production (CDP) pour identifier ses marges de progrès. L'écart se monte à plus de 100 €/1 000 l entre les exploitations du quart supérieur et celles du quart inférieur. Ensuite, il faut actualiser les prévisions de trésorerie avec les données de l'exercice à venir : coût des intrants, échéances d'emprunt… Ceci permet de mieux cibler les actions à mener.
Quatre postes pèsent 65 % du CDP : alimentation, mécanisation, bâtiments et foncier, et coût de renouvellement. Il s'agit de charges opérationnelles et de structure. Du côté des charges proportionnelles, l'éleveur peut agir sur le coût de renouvellement (taux de renouvellement, âge au vêlage, structure du troupeau par catégorie d'âge, intérêt de garder ou de faire élever ses génisses, finition des réformes…). Il peut aussi agir sur le coût alimentaire (part du maïs et de l'herbe dans la ration, fertilisation, optimisation des traitements phytosanitaires, gestion de l'herbe…). Enfin, déterminer son besoin de stock végétal et animal au plus juste permet d'alléger la trésorerie.
La situation de départ
- M. Lelait a un quota de 310 000 l pour 48 vaches laitières et la suite.
- Il souhaite réduire son coût de renouvellement en travaillant à la fois sur l'âge au vêlage de ses génisses et sur la finition de ses réformes.
- Son dernier coût de production a été calculé en septembre 2009 et il voudrait l'actualiser pour mieux tenir compte de la conjoncture un peu plus favorable sur les intrants.
Le commentaire de l'expert
Au regard de son coût de production, M. Lelait se fixe deux objectifs pour le prochain exercice. Tout d'abord, réduire le coût de renouvellement en baissant l'âge au vêlage des génisses et en finissant mieux ses réformes. Le coût de renouvellement est dicté par ces deux facteurs. Si l'on gagne sur le prix de la vache et que l'on diminue le coût de la génisse, le tour est joué ! L'autre objectif concerne le coût alimentaire. M. Lelait compte profiter d'une conjoncture plus favorable en ce qui concerne les intrants (aliment acheté, engrais). Il vise un gain de 10 % sur le poste alimentation. Dans cette réflexion, il est important de hiérarchiser les objectifs à atteindre et de ne pas mettre la barre trop haute. Mieux vaut avancer progressivement car, en modifiant radicalement son système, on risque d'en perdre la maîtrise.
Le commentaire de l'expert
Chez M. Lelait, le point d'équilibre s'établit à 329 €/1 000 l, Avec une hypothèse de prix du lait payé à 300 €/1 000 l, il manquera donc encore près de 30 €/1 000 l de trésorerie, soit près de 9 000 € pour boucler le budget. Ces 9 000 € sont linéarisés sur l'année, mais avec des périodes beaucoup plus délicates que d'autres, notamment au moment de la mise en place des cultures et de leur récolte, soit au printemps et en automne, juste avant le versement des aides Pac.
M. Lelait souhaite maintenant connaître son point d'équilibre « objectif » une fois ses ajustements réalisés. Il s'agit de calculer le total des charges liées à la production laitière qui seront à couvrir durant l'exercice. En divisant ce montant par le volume de lait vendu, on obtient le prix d'équilibre, c'est-à-dire le niveau minimum nécessaire pour payer les charges. Soit un total de 101 970 € , ce qui ramène le point d'équilibre à 329 €/1000 l. Par souci de simplification, on considère que les activités annexes de l'exploitation sont à l'équilibre. C'est donc en priorité par la vente de lait que ces charges devront être couvertes. L'objectif est de rechercher le parfait équilibre entre le prix de vente et ce critère économique.
Cela ne traduit pas une situation toujours égalitaire, mais cela veut dire que les périodes de déficit sont exactement comblées par les excédents. En fonction de ces déficits, on peut définir le besoin en ouverture de crédits.
« Utiliser toutes les pistes pour renfl ouer la trésorerie »
Rapidement, il s'agit de surveiller l'évolution de ses besoins en trésorerie, car la maîtrise des coûts n'aura pas d'effet immédiat. La comparaison du prix de vente escompté en 2010 avec le point d'équilibre issu de la comptabilité indiquera l'évolution de la trésorerie. Sans attendre, il faut explorer des pistes pour éviter que cette trésorerie ne se dégrade de trop. Dans tous les cas, mieux vaut jouer cartes sur table avec son banquier. L'urgence des mesures à prendre sera analysée au travers de la capacité de résistance de l'exploitation. Elle s'exprime en nombre de mois durant lesquels la perte de trésorerie peut être compensée par des apports de trésorerie classiques et cohérents (crédits, court terme).
Dans un premier temps, vous pouvez voir avec votre banquier pour ajuster les niveaux d'encours de trésorerie. Si vous avez contracté des emprunts à échéances modulables, profitez-en pour revoir le remboursement des annuités bancaires. Ainsi, vous mettrez en adéquation les échéances et votre capacité de remboursement en tenant compte des évolutions prévisionnelles. Voyez si vous pouvez refinancer par un emprunt bancaire des investissements que vous auriez autofinancés dans l'année. Si vous avez des disponibilités personnelles, pensez à les réintégrer. Pour cela, commencez par les placements les plus disponibles ou avec des frais de revente faibles.
Dans un second temps, profitez des leviers fiscaux et sociaux qui existent pour optimiser vos prélèvements obligatoires, comme :
- l'allongement de la durée de votre exercice comptable ou la réalisation d'une clôture supplémentaire. Cela permet de diminuer les pressions fiscale et sociale en augmentant le déficit de l'année en cours ;
- la réintégration par anticipation des déductions pour investissements (DEFI) réalisées sur les exercices antérieurs. Cela permet d'exonérer ces déductions ou de les imposer en tranches fiscales favorables et évite d'avoir des assiettes sociales négatives ;
- la réintégration par anticipation des plus values en sursis d'imposition afin de minimiser les prélèvements obligatoires.
Malgré l'utilisation de toutes les actions précitées, il est possible que la situation financière reste difficile. Ces actions étant insuffisantes et n'ayant plus de marge de manoeuvre possible au niveau de la trésorerie (niveau maximum de court terme et d'ouverture de crédit atteint, taux d'endettement consolidé trop élevé, restructuration du bilan pas envisageable…), il est important, même si la démarche n'est pas facile, de vous orienter vers les dispositifs mis en place pour aider les agriculteurs en difficultés. Cela vous permettrait d'être accompagné et d'étudier un plan de redressement avec vos partenaires.